GROSSESSE, ADOLESCENCE et PROJET DE VIE

Selon les statistiques actuellement accessibles (sur Internet), on a relevé en 2007 :

  • 1699 jeunes filles de 18 ans et moins qui ont accouché (90 de 15 ans et moins),
  • 1873 jeunes filles de 18 ans et moins qui ont eu recours à l'avortement en Belgique (308 de 15 ans et moins).

Être enceinte à 16 ans, c'est souvent une surprise non seulement pour la famille mais aussi pour les professionnels qui connaissent la jeune. Nous pensons plus particulièrement aux responsables du monde scolaire. Ceux-ci sont bien souvent dépourvus et ne savent pas comment faire face à ce genre de situation.

Le groupe de travail « Grossesse, Adolescence et projet de vie » a réuni pendant deux ans, des professionnels du monde scolaire et de l'aide sociale en général.

Notre objectif est de proposer aux professionnels de la région un texte « ressource » apportant conseils et réflexions sur le sujet.

Ce dossier est divisé en six chapitres :

  1. L'adolescente et sa grossesse
  2. L'adolescente et son couple
  3. L'adolescente et sa famille
  4. L'adolescente et son réseau primaire
  5. L'adolescente et l'école
  6. L'adolescente et les services

1. L'adolescente et sa grossesse

Comment la jeune femme vit-elle sa grossesse ?

Cet angle d'approche, plus lié aux émotions, pourra donner un premier éclairage notamment sur la place du père, de l'éventuel compagnon, sur les relations avec leurs familles respectives.

IVG ? Poursuite de la grossesse ? Adoption ?

Il est fondamental que la décision de garder ou non l'enfant revienne à l'adolescente et à son compagnon, responsables in fine. Idéalement, cette décision se prendra après informations, échanges et réflexions. Le contexte familial peut nous éclairer sur les motivations de la décision, le soutien ou le rejet qui sera exprimé par la(les) famille(s).

  • Comment la grossesse a-t-elle été découverte ?
  • Les informations sur l'IVG, l'abandon et la mise en adoption sont-elles connues et comprises ?
  • La jeune fille subit-elle des pressions ? du géniteur ? des parents ? des services psychosociaux ? de l'école, … ?
  • Comment la grossesse est-elle envisagée par la future maman et/ou le futur papa ?
  • Comment se représentent-ils la naissance ? leur rôle de parent ? la venue de cet enfant ?
  • Comment la maternité est-elle ou a-t-elle été vécue par les femmes de la famille (mère, sœurs, famille élargie ) ?
  • La famille ou la jeune fille enceinte a-t-elle déjà connu une maternité précoce, I.V.G., placement, abandon, violences, négligences, … ?
  • La grossesse est–elle clairement accidentelle, liée à un problème de contraception ou désirée plus ou moins inconsciemment pour répondre à un besoin et lequel ?
  • Comment est préparée la naissance : suivi médical, préparation du matériel, démarches administratives, … ?
  • Comment s'envisage l'avenir en tant que couple ? selon les motivations de la jeune fille et/ou du jeune homme quel sera l'impact émotionnel si ce qu'elle espère ne se réalise pas ?

Quelles en seront les conséquences vis à vis de l'enfant ?

  • A qui et quand la grossesse a-t-elle été annoncée en premier ?
  • Comment cette personne a-t-elle réagi ? A-t-elle influencé les décisions de l'adolescente ?

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2. L'adolescente et son couple

Le modèle parental.

  • Quels sont les modèles parentaux des jeunes parents ?
  • Sont-ils issus d'une famille recomposée ou monoparentale ?
  • Quelle est leur appartenance culturelle ?

Le père de l'enfant.

Le géniteur de l'enfant peut occuper une place réelle ou symbolique. Sa présence, son absence, son investissement peuvent être un soutien ou un obstacle dans le processus de maternité.

  • Quelle image la jeune fille a-t-elle du père de l'enfant ? Est-il un soutien ? Un rêve déçu ?
  • La vie de couple est-elle envisagée ou encore un « montage » afin d'y accéder ?
  • Comment chacun se représente-t-il le rôle du père ?
  • Désire t'il s'investir dans son rôle de père ? Désire t'elle qu'il s'investisse dans ce rôle de père ?
  • Le père reconnaîtra-t-il l'enfant ? Quel nom de famille portera-t-il ?
  • En cas de séparation : comment sera organisé l'hébergement de l'enfant et l'exercice du droit aux relations personnelles ? Une contribution alimentaire sera-t-elle envisagée ?

Vivre seule ?

Pour différentes raisons, la jeune maman vivra peut-être seule.

  • Pourra-t-elle assumer seule ses différents rôles: mère, étudiante, adolescente ?
  • Quelles seront ses besoins pour assumer son bébé ?
  • Disposera-t-elle de relais et de ressources ?
  • Qui va garder le bébé ?
  • Comment va-t-elle gérer le quotidien, le budget ?
  • Quelles sont ses ressources pour dépasser un possible sentiment de solitude ?

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3. L'adolescente et sa famille

Après s'être intéressé à la place occupée ou non par le père, attardons-nous sur celle que pourrait prendre la famille proche. Par famille proche, nous entendons: parents (plus particulièrement la mère ou toute autre personne qui assure l'éducation de l'adolescente) et la fratrie. Un constat, effectué à partir de notre pratique professionnelle, nous amène à penser que plus les grands-parents s'impliquent, plus le risque est grand que la place des jeunes parents soit fragilisée, voire inexistante. Les relations de ce jeune couple ne sont plus seulement les leurs, mais deviennent bien souvent celles de leurs familles.

Le modèle parental.

  • Comment l'adolescente se représente-elle son modèle parental ? Comment imagine–t-elle le modèle à construire pour son bébé, sa famille future ?
  • Quelle maman a été la mère de la jeune fille ?
  • La famille nucléaire ou élargie a-t-elle déjà vécu une ou plusieurs maternités précoces ?

Dans le cas de maternités précoces récurrentes, la future maman estime parfois qu'elle pourra assumer sa maternité comme les autres femmes de la famille l'ont fait avant elle.

« On ne peut pas imaginer qu'une adolescente se trouve dans cette situation sans mettre en question le modèle parental, et donc, il est bien évident que des exemples vont nécessairement être reproduits. Les grossesses de ce type sont effectivement bien là pour nous rappeler que les choses ne changent pas forcément d'une génération à l'autre mais se produisent généralement d'une autre manière. Je m'interroge sur le rôle du père et de la mère, à la place qu'a eue cette adolescente dans la famille et peut-être aussi plus tard à ce que sera la possibilité pour cette adolescente de quitter cette famille. L'arrivée d'un enfant prématurément risque de compromettre le processus d'individualisation de l'adolescente. On peut aussi se demander si le bébé précocement conçu n'est pas le «bon de sortie» pour cette adolescente qui peut, comme cela, trouver la porte ouverte, en maintenant le fonctionnement du système tel qu'il est pour ses parents. La grand-mère peut, aussi, avoir l'impression qu'elle a raté quelque chose, puisque sa fille est enceinte si précocement, que dans le processus éducatif, il y a quelque chose qui n'a pas dû fonctionner. Elle peut se dire que, si elle a raté quelque chose, il est temps qu'elle restaure quelque chose au niveau de la relation, qu'elle donne le maximum à sa fille, tout en sachant par ailleurs que donner le maximum est peut-être justement occuper une place qu'elle ne doit pas occuper.»

Jean Paul POUPE

Jean Paul POUPE est thérapeute familial.
Ce texte est extrait et adapté de son intervention lors de la «Rencontre Casse–croûte» du 18 juin 2004: «Ado…Grand–maman…Ici bébé»: partage d'une réflexion sur les (ré)aménagements familiaux suite à la grossesse d'une adolescente.

  • La famille représente-elle un soutien pour la future mère ? Quel type de soutien ?
  • La famille accepte-t-elle ou rejette-t-elle l'enfant à venir et/ou la jeune fille ?
  • La famille pourrait-elle s'approprier l'enfant au détriment des parents ?

En tant qu'intervenants, nous pouvons également accompagner la jeune fille dans une réflexion sur les différents choix de vie possibles, leurs avantages et inconvénients (relationnels, matériels, sécurité, organisationnels, au niveau du couple,…).

L'annonce de la grossesse à la famille.

L'intervenant portera son attention sur le processus de REVELATION de la grossesse. A qui a-t-elle été annoncée en premier ? Et pourquoi ? Si la grossesse est toujours secrète, les intervenants soutiendront (directement ou indirectement) l'adolescente lors de cette révélation aux membres de la famille. Cette annonce sera différente selon que la relation entre le père de l'enfant se vit hors de la connaissance de la famille, ou est récente ou encore inexistante, … Le professionnel sera attentif à ce que la révélation ne soit pas à l'origine d'une rupture.

L'impact de la grossesse sur les relations familiales.

L'annonce de la naissance aura un impact sur l'organisation familiale (places, rôles de chacun). L'arrivée du bébé questionnera les liens entre les générations. Il sera intéressant de s'attarder sur le sens, la symbolique que donne la future naissance à la relation entre la mère et l'adolescente. On peut observer des situations où le rôle de mère glisse vers la grand-mère. Pendant la grossesse, la future grand-mère maternelle « surinvestit » l'enfant. Elle en parle comme du sien, organise l'après. Après la naissance, sous de multiples justifications, elle prend en charge l'enfant : elle se lève la nuit pour lui donner le biberon, le changer, elle achète langes et nourriture, etc. L'intervenant doit être attentif aux glissements, aux confusions possibles. L'enfant peut aussi vivre cette confusion et ne plus percevoir qui est sa mère. L'intervenant aura le souci de favoriser et soutenir la réflexion à ce niveau. Certaines mères s'accommodent de cette situation et en tirent parti afin de poursuivre leurs études ou de continuer à mener leur vie d'adolescente. D'autres s'efforceront de travailler le repositionnement familial, d'autres encore, se sentant mises à l'écart, quitteront, rapidement, en conflit, le domicile familial. Dans cet esprit, la grossesse de l'adolescente est une «bifurcation», un moment qui va révéler sa personnalité, réveiller les moments forts de son histoire.

Le processus d'acceptation.

Il sera plus ou moins long en fonction de la culture familiale (croyances, valeurs,…). L'intervenant peut offrir son aide tout au long de ce processus, qui variera selon le moment de révélation de la grossesse. C'est en effet différent si celle-ci est annoncée directement ou après 5 mois. Il est important de permettre à la famille nucléaire de verbaliser l'évènement afin qu'elle puisse progressivement faire une place au futur enfant. S'arrêter à la fratrie n'est pas sans intérêt et permet de voir dans quelle mesure celle-ci peut soutenir ou non la future maman. La réaction des frères et sœurs variera selon leur âge et leur rang.

  • Déception par rapport aux projets qu'ils avaient pour leurs enfants respectifs ?
  • Acceptation du statut de grands-parents ?
  • Acceptation du père de l'enfant et de sa famille, de son milieu social,… ?

Si la famille n'accepte pas la grossesse, la future maman risque d'être particulièrement isolée et devra utiliser beaucoup d'énergie pour vivre ces tensions familiales au quotidien. Dans ce cas, il lui sera difficile de tenir sans aide extérieure. Tenant compte des compétences de la jeune et de la réalité, les professionnels veilleront à ne pas déposséder l'adolescente de sa grossesse. Il est pertinent de travailler les questions à partir des émotions, craintes et attentes de chacun. La famille nucléaire ainsi que la jeune devront faire face aux rumeurs, au regard des autres (voisinage, travail, famille élargie,…) l'intervenant peut entendre cette difficulté supplémentaire. Pour mener ce travail, l'intervenant devra tenir compte des émotions , des valeurs véhiculées au sein de la famille , qui fera plus ou moins bien le deuil des projets imaginés pour leur enfant.

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4. L'adolescente et son réseau primaire

Famille élargie, voisinage, relations de travail, de loisirs.

Dans un premier temps, l'intervenant peut proposer sa participation à la réflexion concernant le choix des personnes du réseau primaire avec lesquelles l'adolescente choisira de partager l'information en priorité. Dans un second temps, la famille nucléaire devra annoncer cette grossesse à son réseau primaire. Comment va-t-elle s'y prendre ? Avec qui va-t-elle partager cette information ? L'intervenant peut proposer son aide dans la réflexion à mener à ce niveau. Idéalement, l'adolescente enceinte doit maintenir le lien avec ses amis. Comment va-t-elle s'organiser pour maintenir des activités propres aux adolescents ? L'information parviendra directement ou indirectement au voisinage. Chacun prendra position. L'adolescente repérera alors les personnes ressources sur qui elle peut réellement compter. Au niveau de la famille élargie, l'annonce de la grossesse peut éventuellement réveiller des histoires familiales tenues secrètes jusque là.

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5. L'adolescente et l'école

  • L'école est-elle perçue comme un lieu de vie important pour la jeune fille ? Pourquoi ?
  • Quelle est la place de la scolarité dans la famille ?
  • Quel était le projet scolaire et professionnel avant l'annonce de la grossesse ?
  • Quel est le parcours scolaire des parents et de la fratrie ?

scolarité normale / retard ?
décrochage ?
interruption ?

  • Qualifications obtenues ou non ?
  • La scolarité était–elle régulière auparavant ?
  • Qui l'adolescente va-t-elle choisir au sein de l'école pour l'annonce de sa grossesse ?
  • Comment seront gérées les absences par la direction ?
  • Quels sont les aménagements scolaires nécessaires et/ou possibles pour limiter le retard et garder le contact avec le milieu scolaire et les autres élèves.
  • Comment va être abordée la grossesse au sein de la classe ?

La jeune fille ne peut compter que sur la souplesse éventuelle de l'école et sur les certificats médiaux que lui délivreront les médecins pour rester dans la légalité et pouvoir continuer sa scolarité. Le soutien de l'école, la motivation de l'élève, la mise en place, au cas par cas, de liens directs ou indirects avec l'école, peut permettre à l'élève de garder le contact, de ne pas s'isoler, de passer au mieux ses examens… bref de ne pas décrocher. L'intervenant peut l'aider dans l'aménagement de sa scolarité en concertation avec tous les acteurs. La grossesse d'une adolescente doit pouvoir être parlée au sein de la classe, tout en respectant le secret professionnel : mettre des mots pourra éviter une valorisation ou un rejet déplacé et limitera les risques de « contagion » ! Si l'enseignant ne se sent pas apte à le faire, des services compétents existent (service de promotion de la santé à l'école, centres psycho-médico-sociaux, plannings familiaux, …). Dans certaines situations, nous pensons qu'il est essentiel que les professionnels prennent aussi bien en compte l'importance de la scolarité que les valeurs de la famille. La scolarité n'est qu'une partie de la vie, même si elle est légalement obligatoire jusqu 'à 18 ans. Pour certaines familles, le mode de vie «aides sociales du C.P.A.S./chômage» est perçu comme satisfaisant.

  • Dans la famille, la femme est-elle au foyer ?
  • Une vie professionnelle est-elle envisageable ?
  • Quels sont les revenus de la famille ?

salaire ? chômage ? mutuelle ? revenu d'intégration ? allocation d'handicapé ?

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6. L'adolescente et les services

Il est nécessaire de travailler en réseau : la concertation inclura la jeune fille et laissera une place à son réseau personnel. On tiendra compte non seulement du potentiel de chaque service, mais aussi de ses contraintes, pour éviter certaines incohérences ou contradictions. Le réseau veillera à ne pas étouffer la jeune maman, en soutenant ses prises de responsabilités, en fixant avec elle des objectifs réalistes, en cherchant avec elle les moyens d'y arriver. Les intervenants seront néanmoins attentifs à respecter la confidentialité, le secret professionnel.

  • La famille est-elle déjà connue par des services psycho- sociaux ?
  • Lesquels ?
  • Comment ont été vécues ces interventions psycho-sociales antérieures ?
  • Y-a-t-il un intervenant ou un service qui est particulièrement apprécié ?
  • Quels sont les services qui pourraient être appelés à intervenir ?

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News

28-04-2015
Voici la toute première Newsletter de la coordination GAP.
Bonne lecture !