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L'internat au secours de parents désemparés

Jean-Pierre POUTEAU/Apprentis d'Auteuil

Plus de la moitié des appels adressés à la plate-forme Écoute infos familles sont des demandes de places en pension.

Il est des crises d'adolescence qui font tanguer les familles et des désespoirs de parents qui ne se confient qu'au téléphone. «Je sens que je n'y arrive plus, j'ai peur», s'épanche la mère d'un garçon de 15 ans. «Mon fils est réfractaire à tout. Il a beaucoup de mal en classe et cela devient conflictuel à la maison. On ne sait plus comment faire et on réfléchit à l'internat», suffoque la maman d'un élève de 4e.

Des mots qui reviennent en boucle dans la bouche des parents qui confient leur désarroi à l'un des cinq professionnels d'Écoute infos familles, le numéro d'aide à la parentalité de la fondation Apprentis d'Auteuil, fraîchement rebaptisé (1). Grosses angoisses ou petites crises, le service a répondu l'année dernière à 3126 appels de familles et aiguillé la majorité d'entre elles vers des solutions éducatives, soit en interne dans les établissements de la fondation, soit en externe vers d'autres structures de formation, des professionnels de l'éducation, des lieux de soins et d'accompagnement…

Un «SAV» de l'adolescence

Plus de la moitié des appels sont des demandes d'internat. «C'est la principale “porte d'entrée”, souvent évoquée dès le début de l'appel», décrit Marie de Saint-Laurent, directrice de cette plate-forme créée en 2001. Une demande plus forte qui répond à une inflation des difficultés éducatives, estime-t-elle. «Mon fils est un cancre et il a envie d'être identifié comme tel, décrit une mère qui n'a pas perdu espoir. Il joue au violent, il fume parfois du cannabis et se prend pour une racaille. Les punitions n'ont plus d'effets sur lui et son père ne veut plus lui parler.» Le collégien, âgé de 15 ans, a déjà été renvoyé trois fois de son établissement parisien et ne va en cours que si un adulte l'y accompagne.

«Les parents voient dans l'internat un cadre qui ne peut plus être apporté par la famille et aussi une solution pour respirer, souligne Caroline Dessain, une des écoutantes. Cela dit, ils l'envisagent souvent avec beaucoup de culpabilité. C'est l'ultime étape quand tout va mal.» Et dans des situations parfois extrêmes. Comme celle de ce papa qui ne sait plus quoi faire de son fils de 19 ans «un peu sauvage», «qui a fait des cabrioles avec le compte ban­caire» et est déscolarisé depuis un an. «Il reste dans sa chambre toute la journée. Il n'a plus d'amis. Un jour, il a découpé toutes ses affaires au ciseau… Notre relation est très conflictuelle», déplore ce père séparé.

Les appels se multiplient pour évoquer les cas des plus jeunes, avant le couperet de l'orientation pour les 14-15 ans ou dès 11 ans pour les enfants souffrant de troubles des apprentissages et sans solution institutionnelle. Les 11-15 ans représentent ainsi plus de la moitié des appels, devant les 16-17 ans qui concentrent un quart d'entre eux. À tous les âges, dans les trois quarts des cas, ce sont les garçons qui posent problème à leurs parents. Quant à l'appelant «lambda», il a le plus souvent les traits d'une «mère célibataire, francilienne, à bout de forces, résume Marie de Saint-Laurent. Toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées. Un bon nombre des parents qui s'adressent à nous sont dotés de ressources financières, culturelles et sociales mais ressentent une détresse terrible. Ils ont en outre plus de difficultés à avouer qu'ils n'y arrivent pas du tout».

«Les crises d'ados sont souvent des crises de parents»

Le sombre cortège des mauvaises notes, des absences répétées, des devoirs non rendus cache le plus souvent une situation familiale conflictuelle, des tensions, une communication réduite à néant et une impossibilité de l'adolescent à trouver sa place. Les demandes d'orientation ne représentent que la partie émergée de l'iceberg, s'accorde à penser l'équipe d'écoute. «À partir des difficultés scolaires, on déroule le fil de l'histoire familiale», explique Caroline Dessain. «Nous avons l'impression d'être un SAV de l'adolescence pour des parents qui auraient appuyé sur tous les boutons sans succès», résume Marie de Saint-Laurent. «On ne sait plus comment le prendre», «on ne sait plus comment faire», ressassent derrière leur combiné les adultes en quête d'un mode d'emploi. «Je suis sans repère car je n'ai jamais été un enfant difficile. Je sais que je peux devenir agressif quand ça ne va plus», se désole par exemple un père qui ne partage plus que le silence avec son fils de 13 ans. D'autres peinent simplement à voir leur enfant grandir. Comme cette mère poule interloquée par la demande de son fils de 17 ans de sortir jusqu'à 22 heures. «Un vrai gamin!» se révolte-t-elle.«Il a 14 ans et il fait 1,90 mètre… Il a pris 15 cm en un an!», s'épouvante une autre maman. Désemparés les parents? «Les crises d'ados sont souvent des crises de parents, constatent les membres de l'équipe. À nous d'entendre leur angoisse, pour leur permettre de mieux accepter et écouter leur enfant.»

(1) Écoute infos familles: 01 81 89 09 50

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