Coquille Saint-Jacques

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Pecten maximus

La coquille Saint-Jacques (Pecten maximus) est une espèce de mollusque bivalve marin de la famille des pectinidés. Parmi toutes les espèces de cette famille qui sont légalement autorisées à bénéficier de l'appellation commerciale « Saint-Jacques », elle est la plus recherchée des gastronomes. Elle est reconnaissable à sa grande taille comparée aux autres espèces du genre Pecten et à sa coquille pourvue de côtes en éventail, dont la valve supérieure est totalement plate, contrairement aux pétoncles ou vanneaux dont les deux valves sont bombées.

Description[modifier | modifier le code]

À coquilles inégales, sa valve supérieure est totalement plate et pourvue de côtes. Elle est de couleur rouge à brun, quelquefois rose ou tachetée.

Les yeux sont visibles sous la forme de points noirs brillants sur le bord du manteau d'une coquille Saint-Jacques entrouverte.

L'espèce possède la particularité, rare dans le monde animal des coquillages, d'être munie de jusqu'à 200 yeux catadioptriques élémentaires (sortes de miroirs formés de couches de cristaux cubiques de guanine qui fonctionnent par réflexion) situés en bordure de sa coquille[1],[2].

La coquille Saint-Jacques est hermaphrodite. Sa glande génitale, appelée corail en gastronomie, est constituée de deux parties : l'une mâle, blanc ivoire (à ne pas confondre avec le pied) ; l'autre femelle, rouge orangé. Ces deux parties n'arrivent pas à maturité simultanément, les gamètes mâles précédant généralement les femelles (protandrie)[3].

Anatomie de Pecten.

La coquille Saint-Jacques peut se déplacer relativement vite sur de courtes distances, par bonds[4], en claquant ses valves et en expulsant rapidement l’eau (hydropropulsion).

À l'état sauvage, elle peut vivre une vingtaine d'années. À sa taille commerciale, elle pèse 190 g dont 120 g de coquille.

Origine du nom[modifier | modifier le code]

L'appellation « Coquille Saint-Jacques » viendrait des coquilles dont se paraient les pèlerins se rendant à Saint-Jacques de Compostelle. Ces coquilles étaient supposées porter bonheur car elles rappelaient celles dont était sorti couvert un cavalier sauvé des eaux par les compagnons de Saint-Jacques qui transportaient sa dépouille en Espagne. Cependant, l'origine de ce nom reste incertaine et encore débattue[5],[6],[7].

Noms vernaculaires[modifier | modifier le code]

Pecten maximus,

Le nom scientifique de ce bivalve Pecten maximus, soit « Pecten le Très Grand », peut être traduit par « le très grand peigne » et fait référence à la coquille qui porte des côtes disposées[8] comme les dents d'un peigne[9].

Dans une partie de la Normandie, surtout dans le Calvados, la coquille Saint-Jacques est appelée un godefiche, terme utilisé entre autres par Gustave Flaubert dans Madame Bovary ou dans Un cœur simple : « D'autres fois, ayant passé la Toucques en bateau, ils cherchaient des coquilles. La marée basse laissait à découvert des oursins, des godefiches, des méduses ; et les enfants couraient, pour saisir des flocons d'écume que le vent emportait. ». En revanche, dans le Cotentin, le godefiche ou le gofiche, etc., est l'ormeau[10].

En breton, elle est appelée krogenn Sant-Jakez ou kalipezenn.

Fossiles du trias du vignoble du Jura.

Origine[modifier | modifier le code]

Les scientifiques considèrent que « le centre de diversification des coquilles Saint-Jacques a été la région indo-pacifique au début du Miocène, soit entre 23,8 et 5,3 millions d'années[9] ».

Répartition[modifier | modifier le code]

En Europe, elle vit dans le nord de l'Atlantique et dans la Méditerranée[11] : on la trouve dans le pas de Calais, au large de la Normandie, de la Bretagne, de l'Écosse, de l'Irlande, de l'Angleterre ou de l'Italie.

Pêche[modifier | modifier le code]

En France[modifier | modifier le code]

La pêche de la coquille Saint-Jacques est pratiquée par des bateaux spécialisés, les coquilliers. En France, elle est strictement réglementée et n'est autorisée que du 1er octobre au 15 mai par arrêté ministériel, période choisie à l'initiative des organisations professionnelles françaises, afin de protéger les ressources et laisser à la coquille le temps de grossir[12]. Les coquilles mettent deux ans en Manche et trois ans en Manche ouest et Atlantique pour atteindre leur maturité sexuelle.

La taille minimum légale pour les professionnels est 11 cm pour la Manche et 10,2 cm pour la Manche ouest et les autres gisements alors que pour la pêche de loisir, elle est de 11 cm pour tous les gisements[13]. Pour pêcher la coquille, les bateaux doivent disposer d'un PPS (Permis de Pêche Spécial). Sur les gisements classés, ils doivent aussi détenir une licence de pêche (Saint-Brieuc, baie de Seine). Les pêcheurs français sont les seuls à s'interdire de pêcher l'été. La coquille n'est pas une espèce sous quotas de l'Union européenne.

La principale technique employée pour sa pêche est celle de la drague, armature métallique qui permet de fouiller le fond et de « déterrer », puis récupérer les coquilles enfouies[14]. La règlementation du diamètre minimum des anneaux (92 mm en 2004, pour la Manche), permet de limiter la prise de juvéniles.

En France, les principaux ports de pêche de la coquille Saint-Jacques sont, sur le littoral du Pas-de-Calais : Étaples, Boulogne-sur-Mer, sur le littoral normand : Dieppe et Fécamp, Port-en-Bessin, Grandcamp, Saint-Vaast-la-Hougue et Granville. La Normandie représente plus de la moitié de la production française, c'est la première région française de pêche de coquille Saint-Jacques (Pecten maximus) et elle a obtenu deux labels rouges : pour la coquille en 2002 et pour la noix en 2009[15]. La moitié environ de la production étant vendue hors criée, de gré à gré. Enfin sur le littoral breton, la baie de Saint-Brieuc avec les ports d'Erquy, Loguivy-de-la-Mer et Saint-Quay-Portrieux représente près de la moitié de la production française. La pêche « mobilise environ 600 bateaux et emploie 2 400 marins, selon le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins. En 2017, la production était de 30 000 tonnes, pour un chiffre d'affaires de 87 millions d'euros[12] ».

Le tableau ci-dessous[16] ne tient compte que des ventes déclarées en criée.

Criées Gisements Tonnage en 2003 Prix moyen en 2003 Tonnage en 2019 Prix moyen en 2019 Spécificités
Dieppe, Fécamp Baie de Somme 2 599 t. 2,90 €/kg Absence de corail d'octobre à décembre. Croissance lente. Rendement en noix de 16 %.
Port-en-Bessin, Grandcamp Baie de Seine 2 091 t. 3,27 €/kg 32 000 t.[17] 2,20 €/kg Coraillée toute la saison. Grosses coquilles. Rendement en noix de 19 %, en baie de Seine.
Granville Baie du Mont-Saint-Michel 1 561 t. 2,18 €/kg Absence de corail d’octobre à mars. Petite coquille.
Saint-Malo, Erquy, Saint-Quay, Loguivy Baie de Saint-Brieuc 6 803 t. 2,15 €/kg 5 600 t. [18] 2,00 €/kg Corail qui se développe aux mois de février-mars. Petite coquille, croissance rapide. Rendement en noix de 10 %.
Brest Rade de Brest et Iroise 147 t. 4,21 €/kg Coraillée toute la saison. Grosses coquilles. Rendement en noix de 17 %.
Quiberon Quiberon 170 t. 4,37 €/kg Coraillée toute la saison. Grosse coquille. Rendement en noix de 19 %.
Oléron Pertuis d'Antioche et Pertuis Breton 106 t. 4,35 €/kg Pêchée en novembre et décembre, coraillée à cette époque.

Label qualité IGP[modifier | modifier le code]

La coquille Saint-Jacques des Côtes d'Armor bénéficie d'un label européen indication géographique protégée (IGP) depuis 1998[19]. Cette reconnaissance de qualité garantie la zone de pêche de provenance du littoral des Côtes d'Armor par une pêche artisanale hivernale exclusivement. Le gisement fournit 90 % de la production de Bretagne et environ 50 % de la production française. Selon son cahier des charges ; entière, elle est conditionnée dans des bourriches en bois et la noix de coquille Saint-Jacques est produite à partir d'une coquille Saint-Jacques vivante[20].

Au Royaume-Uni[modifier | modifier le code]

La pêche est autorisée toute l’année au Royaume-Uni, en particulier à Jersey, aussi bien à la plongée qu'au dragage.

Commercialisation[modifier | modifier le code]

Gastronomie[modifier | modifier le code]

La coquille Saint-Jacques fait partie des mets raffinés. Elle est très appréciée pour sa chair, très riche en fer, et pour son corail, utilisé dans la gastronomie française. Elle est consommée crue (tartare, carpaccio) ou, le plus souvent, cuite (poêlée, rôtie ou pochée). Cette chair correspond à la noix, puissant muscle adducteur qui retient les valves par ses fibres musculaires et stocke l'énergie chimique sous forme de glycogène[21] (biopolymère se transformant à la cuisson en glucose qui se caramélise, d'où la couleur dorée de la noix de coquille lors de la poêlée)[22].

Conservation[modifier | modifier le code]

Les avis divergent sur sa résistance à la congélation. Étant donné sa période de pêche assez limitée, et la faible résistance des Saint-Jacques fraîches au transport (par rapport aux moules et huîtres par exemple), les techniques modernes de congélation sont d'un recours utile. Même pour la pêche française de fin de saison qui ne trouve pas d'acheteur en frais, en particulier dans la région de la Baie de Saint-Brieuc[23].

Législation[modifier | modifier le code]

En 1996, l'OMC a décidé, pour régler un différend[24], d'autoriser les dénominations commerciales « Saint-Jacques » et « noix de Saint-Jacques » pour d'autres pectinidés du genre Pecten que l'espèce Pecten maximus, tels Pecten jacobeus en Méditerranée et Pecten fumatus en Australie, mais aussi pour des genres proches comme Chlamys, Argopecten, Placopecten, Patinopecten (c'est-à-dire des pétoncles ou des vanneaux)[25].

Cela inclut donc les pétoncles pêchés dans l'Atlantique nord (Placopecten magellanicus ou Chlamys islandica), en Australie, au Chili ou au Pérou (Pétoncle chilien), pétoncles pêchés ou élevés en Asie (Chine, ou dans la région d'Hokkaidō au Japon) (Mizuhopecten yessoensis, syn. Patinopecten yessoensis).

La décision de l'OMC mentionnée ci-dessus a été reprise dans la réglementation française[26],[27].

Pour les produits transformés contenant de la « Saint-Jacques », le nom scientifique et le pays d'origine des mollusques utilisés doivent être indiqués dans la liste d'ingrédients [26].

La mention Pecten maximus correspond à la coquille Saint-Jacques endémique de la Manche. En France, la « coquille Saint-Jacques de Normandie » a été le premier produit non transformé à bénéficier d'un Label rouge. Il a reçu en 2002 le label rouge pour la coquille fraîche et entière, puis en 2009 pour la noix de coquille Saint-Jacques Pecten maximus fraîche[28].

Services écosystémiques[modifier | modifier le code]

Les coquilles Saint-Jacques fournissent de nombreux services écosystémiques.

Ange bénitier de la basilique Santa Maria degli Angeli e dei Martiri de Rome (art chrétien)

Ressources marines, elles sont exploitées pour la pêche et l'aquaculture (travaux pionniers en France d'Albert Lucas dans la rade de Brest avec l'ouverture de l'écloserie-nourricerie du Tinduff à Plougastel-Daoulas en 1974[29]).

Ce sont des sentinelles écologiques qui alertent sur la sédimentation marine, la pollution marine (la production sonore biologique des valves, étudiée par la biophonie (en), met en évidence que le nombre de mouvements sonifères des coquilles varie selon les concentrations marines d'algues toxiques, le manque d'oxygène) ou le réchauffement climatique, grâce à la coquille utilisée comme une machine à remonter le temps car elle archive les variations de son environnement (microstries de croissance journalière qui archivent les réponses de la coquille aux variations de température via les isotopes de l'oxygène, aux variations de concentrations des contaminants)[9].

Symbolique[modifier | modifier le code]

La valve bombée de sa coquille est l'emblème :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Gérard Alexandre Louis Marie Retailleau, La coquille Saint-Jacques : évolution de la pêche, perspectives d'élevage, Paris, École nationale vétérinaire, , 85 p.
  • Apolline Soëte, Coquille Saint-Jacques : portraits et recettes, OREP, , 256 p. (ISBN 978-2-8151-0660-3)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Benjamin A. Palmer et al, « The image-forming mirror in the eye of the scallop », Science, vol. 358, no 6367,‎ , p. 1172-1175 (DOI 10.1126/science.aam9506).
  2. Sarah Sermondadaz, « Ce que les yeux de la coquille Saint-Jacques ont en commun avec le télescope », Animaux, sur Sciences et Avenir, (consulté le ).
  3. « Coquille Saint-Jacques de l'Atlantique » [PDF], sur IFREMER.
  4. « Coquille Saint-Jacques | Aquarium La Rochelle - Site Officiel », Aquarium La Rochelle - Site Officiel,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. « À table ! C’est la saison de la coquille Saint-Jacques ! », sur www.seine-maritime-tourisme.com (consulté le )
  6. « POURQUOI LA COQUILLE SAINT-JACQUES PORTE-T-ELLE CE NOM ? », sur cnews.fr,
  7. « Une histoire de coquille St Jacques », sur france3-regions.francetvinfo.fr,
  8. Côtes longitudinales rayonnantes parcourues par des stries transverses.
  9. a b et c Laurent Chauvaud, La coquille Saint-Jacques, sentinelle de l’océan, Éditions des Équateurs, , 144 p. (lire en ligne)
  10. Sources : Musée maritime de l'Ile Tatihou référence inexistante et fausse : dans le Cotentin l'ormeau est nommé "goufigue" Voir.
  11. Méditerranée : Bientôt des coquilles Saint-Jacques ? sur le site « Produits de la mer »
  12. a et b Faustine Vincent, « Aux origines de la guerre de la coquille Saint-Jacques », Le Monde, .
  13. Arrêté du 26 octobre 2012 déterminant la taille minimale ou le poids minimal de capture des poissons et autres organismes marins (pour une espèce donnée ou pour une zone géographique donnée) effectuée dans le cadre de la pêche maritime de loisir.
  14. ORTF, « La pêche à la coquille St Jacques », L'Ouest en Mémoire (INA), (consulté le ).
  15. Coquille Saint-Jacques de Normandie sur le site NFM.
  16. Claire-Marine Lesage, Une coquille Saint-Jacques certifiée en baie de Saint-Brieuc ? : Blocages et perspectives d'une démarche de valorisation, Agrocampus Rennes, , 85 p..
  17. « Coquilles saint-jacques. Une saison hors normes en Baie de Seine », Ouest-France, (consulté le ).
  18. « Coquille Saint-Jacques. 5 600 tonnes pêchées en baie de Saint-Brieuc », https://www.letelegramme.fr, (consulté le ).
  19. « eAmbrosia », sur ec.europa.eu (consulté le )
  20. « coquille Saint-Jacques des Côtes d'Armor IGP » [PDF], sur ec.europa.eu, (consulté le ).
  21. La coquille ne sait en effet pas faire de graisse autour de ses abdominaux.
  22. (en) R. H. Chittenden, « On glycogen and glycocoll in the muscular tissue of Pecten irradians », American Journal of Science, vol. 10, no 55,‎ , p. 26-32 (DOI 10.2475/ajs.s3-10.55.26)
  23. Celtarmor, usine de congélation de Saint-Jacques.
  24. Ce différend entre l'Union européenne (la France) et le Canada portait sur la définition de l'appellation Saint-Jacques, que la France avait modifiée de manière restrictive en 1993, par l'Arrêté du 22 mars 1993 relatif aux noms français officiels et aux dénominations de vente admises des pectinidés.
  25. « Noix de Saint-jacques, c'est quoi ? Tout sur cette appellation commerciale ! », sur finemaree.com (consulté le ).
  26. a et b Arrêté du 26 juin 1996 relatif aux dénominations de vente admises des pectinidés.
  27. « Réglementation relative à la coquille Saint-Jacques, Question écrite n° 19712 de M. Edouard Le Jeune (Finistère - UC) - page 3457 », sur senat.fr, publiée dans le jo sénat du 26/12/1996 (consulté le ).
  28. nmf.fr.
  29. Marcel Le Pennec, « Albert Lucas, de la malacologieà l'aquaculture », Penn ar Bed, no 162,‎ , p. 16.
  30. Coquille et Compostelle : Pour quelle raison associe-t-on une coquille à Saint-Jacques-de-Compostelle ?.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]