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Afrique

La charte nationale d’éducation-formation

Une ambition pour l’école au Maroc
The National Charter for Education and Training. A project for schools in Morocco
La Carta nacional de educación-formación. Una ambición para la enseñanza en Marruecos
Abdelaziz Meziane Belfkih
p. 77-87

Résumés

Après l’indépendance, malgré un incontestable développement du système éducatif, se manifeste un décalage croissant entre les attentes de la collectivité nationale et les réponses proposées par l’école. D’où l’élaboration d’une Charte nationale de l’éducation et de la formation permettant de jeter les bases de l’école marocaine du début du XXIe siècle et prenant en compte les données nouvelles économiques et technologiques.

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Maroc
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Texte intégral

1Dès le lendemain de l’indépendance en 1956, l’école a occupé une place centrale dans la mise en œuvre des politiques gouvernementales. Le système d’enseignement mis en place depuis a permis la formation de ressources humaines compétentes dans la plupart des domaines d’activité, favorisant ainsi la structuration de l’administration nationale et le développement de larges secteurs de l’économie moderne. Entre 1960 et 1998 - alors que la population marocaine a été multipliée par 2,4 - les effectifs des bénéficiaires de l’enseignement ont connu une évolution exponentielle : le nombre d’élèves à l’école primaire a été multiplié par 4,5 ; celui des collégiens par 7 ; celui des lycéens par 21 et le nombre des étudiants par plus de 40. Sur la même période des changements majeurs sont intervenus aussi bien au niveau des contenus que de l’organisation de ce système.

2Néanmoins, au fil des ans, le décalage entre, d’un côté, les attentes des acteurs et de la collectivité, et de l’autre, la qualité de la réponse proposée par l’école s’est accentuée. Dès lors, le système a commencé à montrer des signes prononcés d’inadéquation au regard des mutations que le Maroc a connues et qui ont touché à la fois son économie et l’ensemble des aspects de la vie sociale. Ce constat fait l’unanimité, et le vocable « crise » devient un attribut d’usage courant dans l’ensemble des discours et analyses qui sont produits sur l’école marocaine d’aujourd’hui.

Les expressions de la crise

3En termes de rendement, de nombreux indicateurs montrent que l’école marocaine a enregistré des performances limitées au regard des efforts consentis par la collectivité. Certes, l’héritage au sortir de la période coloniale était particulièrement lourd. L’école n’ayant eu pour vocation à cette époque que d’assurer la reproduction d’une élite autochtone à effectifs très limités, l’écrasante majorité des Marocains n’ont pu y accéder. Toutefois, si une part importante de ce déficit a été résorbée au cours de la phase post indépendance, il demeure que l’objectif de généralisation de la scolarisation s’est révélé difficile à atteindre. De plus, les modes de fonctionnement qui ont prévalu au sein de l’école ont généré des rendements et une efficacité relativement limités, qui vont se traduire par des déperditions de plus en plus importantes, au point qu’aujourd’hui la plupart des bénéficiaires quittent le système éducatif sans véritable qualification et, de ce fait, sans qu’ils soient outillés pour entamer le parcours de l’insertion dans la vie active.

4La faiblesse globale des résultats de l’école revient pour une large part à la nature de l’offre que le système propose à l’apprenant. La problématique de l’adaptation de cette offre, à la fois aux prédispositions et attentes des bénéficiaires de la formation, et aux spécificités de l’environnement qui abrite l’institution scolaire, est au cœur de la crise de l’école marocaine. L’hétérogénéité des enseignements, la pléthore des contenus dispensés, ainsi que les incohérences des choix linguistiques et les multiples fractures qu’elles ont contribué à installer, appellent de la part des bénéficiaires un effort d’adaptation et une énergie pour se maintenir qu’ils ne sont pas toujours en mesure de consentir. Un constat qui prend toute sa mesure dans le cas de l’école en milieu rural, où le décalage entre la configuration de l’offre et les conditions de l’environnement se trouve particulièrement prononcé.

5La réponse à la pression démographique, qui va se traduire par une augmentation exponentielle des effectifs captés et employés par le système, a engendré un effort exceptionnel de mobilisation de ressources. L’essentiel de cet effort ayant été consenti par les pouvoirs publics, la contribution de l’État va rapidement atteindre son seuil de saturation, imposant la réflexion sur le mode de financement de l’école parmi les chantiers prioritaires de toute réforme.

6Entre les différentes autorités de l’Éducation nationale, les structures qui gèrent les composantes de la formation professionnelle et une multitude d’opérateurs directs des projets de formation, la crise du système d’éducation-formation s’exprime aussi à travers l’architecture des pôles de décision. La définition des grands choix ainsi que leur mise en œuvre sont aujourd’hui dévolues à un nombre important d’intervenants, et s’exercent sans véritable coordination. La crise s’alimente également des dysfonctionnements souvent relevés en matière de gestion - un aspect de la vie de l’école au quotidien qui reste globalement marqué par une centralisation excessive et par une faible intégration des approches du management, notamment pour ce qui est de la formalisation des procédures et de l’évaluation systématique.

7À travers ses différentes expressions, l’insuffisance des résultats du système d’éducation-formation retentit sur l’ensemble des aspects qui renvoient au développement du pays et hypothèque lourdement la portée des efforts consentis dans les autres secteurs.

8De façon régulière, des réflexions visant à poser les jalons d’une réforme ont été développées. Depuis la mise en place du Conseil supérieur de l’Éducation nationale dans les premières années du Maroc indépendant, ces réflexions ont été formalisées à travers un certain nombre d’approches parmi lesquelles les projets de réforme de 1975, de 1985 et de 1995, ainsi que les projets de Chartes nationales de 1978 et 1981.

9Cependant, si la nécessité de la réforme fait l’unanimité, le débat sur les fondements et les objectifs de celle-ci a exacerbé les passions et durci les positions. Les dimensions idéologiques et politiques vont primer, amenant les différents protagonistes à se retrancher derrière des positions de principe et le bien-fondé de leurs convictions. Dès lors, la recherche d’un consensus national, ou tout du moins de l’accord le plus large possible autour des enjeux de la réforme du système éducatif, va lentement s’imposer comme la seule voie de réconciliation entre la nation et son école.

10En mars 1999, évoquant la question de l’éducation, feu Sa Majesté le roi Hassan II va identifier le chantier de la réforme du système d’éducation et de formation parmi les priorités du pays. La mise sur pied d’une Commission spéciale chargée de développer cette réflexion est décidée, selon une approche dont les termes de référence ont été fixés par la lettre royale que le souverain a adressée au président de la Commission. À travers ce document, un diagnostic du système éducatif est dressé, et une vision de la réforme est proposée. Le mandat de la Commission consistera ainsi à élaborer un projet de Charte nationale de l’éducation et de la formation devant permettre de jeter les bases de l’école marocaine du début du XXIe siècle.

11La Commission spéciale éducation-formation (COSEF) regroupe, outre le président, 33 membres dont les représentants des partis politiques (14) et des syndicats (8) siégeant au Parlement. Les 11 autres membres ont été choisis à titre individuel, parmi les ou lamas, les opérateurs économiques et les responsables d’organisations non gouvernementales et d’associations de parents d’élèves.

Les fondements et les choix majeurs de la Charte

12Partant des termes de référence fixés par la lettre royale, et s’appuyant sur les réflexions et contributions d’un réseau d’experts nationaux, les membres de la Commission ont pu élaborer, au terme de travaux qui ont duré cinq mois, un projet de Charte nationale d’éducation et de formation. Les dispositions et les mesures contenues dans la Charte se proposent de remédier aux dysfonctionnements du système, à travers une vision pédagogique nouvelle déclinée autour d’une série d’espaces de rénovation, appuyée par des leviers de changement touchant à l’ensemble des aspects de la vie du système d’éducation-formation.

Un contrat entre la nation et l’école

13La Charte associe, dans une même aspiration collective, l’ouverture à la modernité, la nécessité de l’anticipation, le goût de l’effort, l’esprit de tolérance, l’attachement aux valeurs sacrées du pays et l’adhésion aux principes universels des droits humains. Elle consacre le rôle qui revient au système d’enseignement dans l’éducation aux valeurs religieuses, à l’attachement à la monarchie constitutionnelle, à la défense des droits universels de la personne humaine et des principes de l’État de droit, à la pratique démocratique et à l’éthique de vie en société. Dès lors, l’acte éducatif y est conçu en tant que responsabilité collective de l’ensemble des acteurs. La réforme devra ainsi conduire à :

  • offrir aux élèves une école qui privilégie les savoirs et savoir-faire utiles et fonctionnels, dans laquelle les savoirs fondamentaux constituent pour tous un socle solide et garanti ;

  • assurer aux enseignants des conditions sociales et professionnelles leur permettant de se dévouer pleinement et dans la dignité à ce qui est plus qu’un simple métier, une vocation ;

  • permettre aux parents d’être parties prenantes dans la vie de l’institution scolaire en étant de véritables partenaires de l’instruction de leurs enfants ;

  • donner aux opérateurs économiques l’opportunité de tisser, à tous les niveaux du système éducatif, des liens solides entre le monde de l’entreprise et les établissements d’éducation et de formation ;

  • garantir aux responsables administratifs à tous les niveaux, national, régional, provincial et local, les conditions de l’exercice d’une gestion effective, basée sur la transparence, l’évaluation permanente et la responsabilité clairement partagée et assumée ;

  • offrir à l’ensemble des Marocains un espace de savoir qui leur soit ouvert tout au long de la vie.

Résorber les déficits majeurs

14Le développement humain intégré exige avant tout d’éradiquer l’analphabétisme. Sur ce point, les objectifs préconisés consistent à ramener la proportion de l’analphabétisme à un taux de 20 % de la population vers 2010 et de parvenir vers 2015 à son éradication quasi-totale. Il est prévu à cet effet de consacrer un effort systématique en direction des travailleurs analphabètes, des adultes sans travail stable, notamment les mères en milieu rural et des jeunes non scolarisés. La stratégie à suivre consiste à articuler les opérations d’alphabétisation aux projets de développement. Une vision qui intègre de multiples dimensions : l’éducation, la prévention, la santé, les activités de production, et la gestion de l’économie familiale. Les programmes à mettre en œuvre s’appuieront sur la décentralisation, la déconcentration et une forte implication des organisations non gouvernementales.

15Le développement humain intégré exige aussi de généraliser l’éducation. À cet égard, les objectifs fixés consisteront à généraliser l’inscription en première année de l’enseignement fondamental en 2002, et en première année de l’enseignement préscolaire en 2004. Mais pour que la généralisation ne soit pas simplement formelle, il importe de juguler les déperditions, de réduire les taux d’abandon, de redoublement et d’échec, en améliorant la qualité de l’enseignement, en rendant l’école plus attractive, en la rapprochant de ses usagers et en y impliquant les parents de façon conséquente.

16Le développement humain intégré suppose également une facilité d’insertion professionnelle et sociale des bénéficiaires de la formation et des possibilités d’adaptation et de perfectionnement en cours de vie active. Afin d’offrir aux jeunes le maximum de chances d’insertion directe à l’issue de leur formation, le recours à la formation alternée et à l’apprentissage sera intensifié, sur la base de conventions et de contrats intervenant dans le cadre d’un partenariat renforcé et promu entre les entreprises et les établissements d’éducation-formation.

17Dans le même sens, la Charte accorde une place de premier ordre à la formation continue en mode d’apprentissage « la vie durant ». Pour insuffler un nouveau rythme au développement de la formation continue, il sera fait recours à sa contractualisation au niveau des branches professionnelles, à l’échelle nationale et régionale, et en intégrant les besoins du monde rural.

Une école nouvelle : structures, programmes, orientation

18C’est à un âge précoce et sur une base égalitaire que les enfants doivent être pris en charge par le système éducatif. Dans ce sens, l’enseignement préscolaire sera articulé et intégré progressivement aux cycles de l’enseignement primaire et collégial de manière à construire un cursus harmonieux et progressif sur la tranche de vie de 4 à 15 ans que couvrira la scolarité obligatoire. L’ensemble de ces cycles, mais également ceux de l’enseignement secondaire qualifiant et de l’enseignement supérieur, sont définis et organisés dans le cadre d’une démarche axée sur la spécialisation graduelle, les troncs communs et les passerelles à tous les niveaux, dans le sens de l’intégration progressive de l’enseignement général, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle.

19La flexibilité, la possibilité du retour aux études, la professionnalisation, le développement des compétences sont au cœur de la vision des curricula proposée dans la Charte et qui implique une révision en profondeur des programmes et des méthodes d’enseignement. Dans ce sens, des marges d’adaptation de ces programmes sont définies : 70 % constitueront un socle commun à l’échelle nationale, 15 % seront élaborés par les autorités pédagogiques régionales et les 15 % restant concerneront des options qui seront offertes par l’établissement, au choix des parents et des élèves majeurs.

20La Charte définit pour l’école une politique linguistique cohérente et constante visant à assurer la meilleure maîtrise possible de la langue arabe et des langues étrangères et une plus grande harmonie entre les cycles d’éducation formation, tout en développant les compétences de communication sous ses multiples formes.

21Bien entendu, il s’agit à la base de consolider l’enseignement de la langue arabe. La Charte propose à cet égard la mise sur pied d’une institution de haut niveau dédiée à la promotion de la langue arabe, en tant qu’outil linguistique, ainsi qu’au développement de la production et de la traduction scientifiques et techniques dans cette langue.

22Tant pour promouvoir et préserver les patrimoines linguistiques et culturels régionaux que pour assurer aux apprenants de meilleures conditions d’appropriation de la langue arabe aux premiers paliers, la langue Amazigh sera intégrée dans le cycle de base, englobant le préscolaire et le premier cycle de l’école primaire. Dans le même sens, il est préconisé de créer - au niveau des universités - des centres de recherche et de formation autour de cette composante du paysage linguistique national et des cultures qu’elle véhicule.

23Pour parvenir à offrir au stade de l’enseignement supérieur des options scientifiques et technologiques de haut niveau en langue arabe et dans les langues les plus porteuses dans les divers domaines du savoir, un effort vigoureux doit être consenti. En harmonie avec cette orientation, l’enseignement au lycée des disciplines les plus spécialisées sera dispensé dans les langues utilisées dans les filières correspondant à l’université. Corrélativement, il est prévu de promouvoir l’enseignement des langues étrangères, en introduisant la première de ces langues dès l’âge de sept ans et la seconde langue dès l’âge de dix ans. Des cours et des activités de mise à niveau en langues et en communication seront instaurées dans l’enseignement supérieur et des réseaux régionaux d’enseignement spécial des langues, utilisant notamment les méthodes intensives, seront créés.

24Le succès des apprentissages et la crédibilité des acquis dépendent, pour une grande part, du système d’orientation et d’évaluation mis en place. La Charte propose de réhabiliter l’orientation éducative et professionnelle pour qu’elle puisse accompagner chaque apprenant dès l’enseignement collégial et tout au long du cheminement ultérieur, y compris au sein de l’université. Des possibilités de réorientation seront offertes à tout moment grâce, à la fois, à des structures performantes d’information et de conseil, et à une organisation de plus en plus modulaire et flexible des curricula, incluant systématiquement des troncs communs et des passerelles et permettant la capitalisation, la validation et la mise à niveau des acquis.

25La maîtrise d’œuvre des interventions d’orientation et d’évaluation sera dévolue à une nouvelle institution, l’Agence nationale d’évaluation et d’orientation, dont la création est envisagée dans un triple but :

Optimisation et performance des ressources

26Indépendamment des dimensions qui renvoient à la pédagogie et aux contenus des enseignements, la Charte accorde une importance cruciale à la gestion des ressources mises à la disposition du système, à leur administration.

27Quatre maîtres mots pourraient résumer les orientations retenues à cet égard : décentralisation, participation, motivation et optimisation.

28À la base, chaque établissement primaire, collégial et secondaire sera doté d’un conseil de gestion, impliquant les acteurs et les partenaires concernés, chargé de superviser et d’évaluer l’ensemble des activités de l’établissement.

29Au niveau local, les établissements d’enseignement général, technique et professionnel seront mis en réseaux étroitement coordonnés, de sorte à optimiser les moyens, partager les ressources et répartir les activités éducatives et formatives, pour que chaque établissement fasse ce qu’il sait faire au mieux et laisse à d’autres ce qu’ils peuvent mieux faire. Au niveau provincial, les services chargés de l’éducation et de la formation seront déconcentrés, coordonnés et dotés de moyens d’intervention efficaces. Au niveau régional, les académies seront érigées en véritables autorités pédagogiques, ayant de larges compétences de gestion des ressources et travaillant en étroite coordination avec les acteurs éducatifs et les partenaires économiques et culturels concernés.

30Quant à l’université, la Charte ambitionne d’en faire une véritable locomotive du développement économique scientifique, économique et culturel du pays et un vecteur essentiel de son rayonnement universel. L’ampleur d’une telle ambition exige qu’il soit procédé, par l’université elle-même et en synergie avec ses partenaires, à une réforme en profondeur des enseignements et des structures de recherche, dans le sens d’une meilleure intégration des diverses composantes et d’une organisation pédagogique moderne, modulaire, assise sur les troncs communs et les passerelles, alliant la spécialisation poussée à l’interdisciplinarité, et bannissant les cloisonnements intra- et inter-établissements. Le but recherché est de doter l’université d’une personnalité scientifique et culturelle distinctive. Pour ce faire, elle bénéficiera d’une autonomie renforcée, sur les plans scientifique, financier et administratif. Les conseils d’université seront constitués, de même que les présidents d’université et les doyens de faculté seront nommés, selon des règles plus démocratiques.

Motivation et valorisation des ressources humaines

31Les ressources humaines occupent une place centrale dans la vie du système éducatif. Elles influent non seulement sur son rendement mais également sur l’image qu’il projette vers les autres acteurs et partenaires de la société. La réussite de toute entreprise de rénovation dépend largement de leur adhésion à son esprit et à sa démarche. Le projet de réforme réserve de ce fait un intérêt marqué à la motivation et à l’implication de ceux qui ont en charge d’animer le quotidien du projet éducatif.

32La Charte préconise que la formation initiale des enseignants, et de l’ensemble des intervenants soit restructurée et renforcée avant leur prise de fonction, et que la recherche pédagogique soit consolidée dans tous les domaines, afin qu’elle réponde aux impératifs d’amélioration de la qualité de l’éducation. L’ensemble des établissements de formation des cadres du système éducatif seront intégrés au niveau régional et connectés à l’université. Dans le même esprit de consolidation des compétences, la formation continue, visant à la requalification des différentes catégories des cadres de l’éducation et de la formation, sera rendue systématique, quels que soient leur mission et le niveau auquel ils exercent.

33Sur la question des statuts, la Charte prône leur révision dans le sens d’une prise en compte des spécificités des différentes catégories de personnels et prévoit un ensemble de dispositions statutaires allant dans le sens de la préservation et du renforcement de la qualité de l’enseignement et de l’amélioration de la productivité pédagogique du système.

34Dans le but de contribuer à l’amélioration des rendements pédagogiques et pour une plus grande implication des enseignants dans la vie de leurs établissements, les autorités éducatives veilleront à l’amélioration du cadre de travail des enseignants, par l’acquisition des équipements, des outils didactiques et informatiques nécessaires à l’accomplissement de leur mission dans de bonnes conditions et par l’entretien et la restauration des établissements. Les enseignants seront pour leur part impliqués dans la gestion des établissements scolaires et universitaires à travers leur participation aux instances dirigeantes de ces établissements et à tous les organes qui seront créés.

35La Charte porte un intérêt particulier à l’amélioration des conditions matérielles et sociales des apprenants, de même qu’elle prend en compte les personnes aux besoins spécifiques. Parmi les actions préconisées par la réforme, on pourra retenir : la restructuration des cantines scolaires dans le sens d’une décentralisation de leur gestion et d’un renforcement au profit du monde rural ; la dotation d’un internat à tout collège accueillant les élèves en milieu rural ; l’encouragement de l’excellence pour déceler, récompenser et encourager les apprenants méritants ; le renforcement, l’équipement et l’encadrement des services de santé scolaire et universitaire ainsi que la mise en place d’un système corporatif d’assurance maladie au profit des étudiants à un coût accessible pour tous ; la révision du système des bourses et la création d’un mécanisme de crédits d’études ; enfin, l’intéressement des apprenants à la gestion des établissements par leur participation aux conseils de gestion.

Un mode de financement bâti autour du partenariat

36Compte tenu des ambitions de la réforme, la mise en œuvre des chantiers définis par la Charte - et autour desquels la collectivité nationale exprime son adhésion - appelle la mobilisation de ressources autrement plus importantes que celles engagées jusqu’ici. Si le financement du système d’éducation-formation se chiffrait, en moyenne annuelle, à 21 milliards de dirhams sur les dernières années, ce sont près de 30 milliards de dirhams qu’il conviendra de mobiliser chaque année pour assurer la réussite de la « décennie de l’éducation ».

37Dans l’état actuel des choses, et compte tenu des engagements que l’entreprise de rénovation du Maroc appelle sur d’autres plans et par rapport à d’autres secteurs de la vie nationale, il serait illusoire de croire que l’État puisse, à lui seul, faire face aux obligations futures de la collectivité vis-à-vis de l’école nouvelle. Certes, en promulguant la Charte nationale de l’éducation et de la formation, les pouvoirs publics se sont engagés à une augmentation annuelle de 5 % des budgets de l’éducation. De plus, des gains appréciables pourront être réalisés en introduisant des normes de rationalité sur les procédures et les méthodes de gestion. Le manque à gagner qu’il conviendra de combler pour assurer un fonctionnement optimal au nouveau système rendra toutefois incontournable le recours à des contributions complémentaires que seule une approche de partenariat entre l’ensemble des parties prenantes de l’acte éducatif est à même de garantir.

38De l’ensemble des intervenants impliqués dans la vie du système éducatif, le partenariat autour du financement concernera plus précisément : l’État, l’apprenant (à travers la famille), les collectivités locales aux différents niveaux de leur implantation (régions, conseils provinciaux et communes), les entreprises (privées, publiques et semi-publiques), et les ONG impliquées dans la conduite de projets d’éducation-formation (promoteurs et gestionnaires de projets ou opérateurs directs). L’architecture concrète des contributions, telle qu’elle pourra se profiler quand la mise en œuvre de la réforme aura atteint son rythme de croisière, peut être mieux approchée à travers une description des montages éventuels au niveau de chacun des paliers du système.

39Ainsi, l’offre du préscolaire, qui n’est pas à proprement parler organiquement intégrée au socle obligatoire mais dont la réforme escompte une généralisation graduelle, sera pour l’essentiel assurée par les opérateurs du secteur privé. De ce fait, la part la plus importante des ressources à ce niveau proviendra, comme c’est le cas aujourd’hui, de la contribution directe des familles. Une part de moindre importance devra être prise en charge par les collectivités locales de proximité, à savoir les communes et les municipalités. Cependant, en application du principe de « discrimination positive », l’offre du préscolaire dans les régions et les zones défavorisées sera supportée de façon conséquente par l’État, et dans une moindre mesure par les collectivités locales et les ONG.

40Le financement de l’offre pour les études primaires et collégiales, compte tenu du caractère obligatoire de la scolarisation à ces niveaux, reviendra pour une très large part à l’État, et de façon accessoire aux collectivités locales. À ce stade du parcours scolaire, la contribution des familles ne concernera que les enfants scolarisés dans les structures de l’enseignement privé dont les effectifs connaîtront probablement une évolution non négligeable.

41La contribution de l’État sera tout aussi substantielle au niveau du lycée. Un complément de financement sera trouvé dans la contribution des bénéficiaires issus de milieux moyens et aisés. Une contribution qui ne représentera toutefois qu’une part infime de l’enveloppe globale qu’il faudra mobiliser pour assurer le fonctionnement de l’école à ce palier.

42Le financement des filières professionnelles et de l’université fera appel à l’implication de deux partenaires qui n’auront été qu’accessoirement sollicités jusqu’ici : la région et l’entreprise. Toutefois, là encore, l’essentiel des ressources continuera d’être assuré par les apports de l’État à travers ses différentes structures (Éducation nationale, administration et organismes de la formation professionnelle, départements formateurs).

La réforme en marche

43En tenant compte du besoin pressant d’extension et de développement qualitatif du système éducatif, et étant donné l’ampleur des réformes en profondeur qu’il convient d’implanter, l’effort collectif à consentir doit être durable et persévérant. Ainsi, tout au long de la période 2000-2010, l’éducation est déclarée première priorité nationale, après l’intégrité territoriale : une décennie dédiée à la reconfiguration complète et rénovée de l’ensemble des structures, des attitudes et des comportements des acteurs du système de l’éducation et de la formation.

44D’ores et déjà, les chantiers de mise en œuvre de la réforme sont ouverts. Une première série de lois a été adoptée par le Parlement au printemps dernier au cours d’une session extraordinaire consacrée à cet effet. Le même esprit de concertation nationale ouverte et sereine, qui a présidé à l’élaboration de la Charte, a prévalu au sein du Parlement à l’occasion des débats autour des projets présentés par le gouvernement. Plus récemment, la rentrée scolaire et universitaire 2000-2001 a consacré le lancement à plus grande échelle de la mise en œuvre du projet, à travers la concrétisation de la première série des mesures consignées dans la Charte.

45Les dispositions de la Charte étant inscrites dans la durée, il va de soi que l’engagement et la mobilisation des partenaires et des acteurs du système sont une nécessité vitale pour la réussite des chantiers que la réforme est appelée à couvrir. La Charte n’est toutefois que l’expression des ambitions d’une étape. Il est essentiel qu’un système d’évaluation permanente soit mis en place tout au long de la décennie de l’éducation et de la formation pour en assurer le suivi et pour veiller à ce que des rythmes soient impulsés, et que les nécessaires réajustements - qu’une mise en œuvre au quotidien ne manquera pas d’imposer - soient introduits.

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Pour citer cet article

Référence papier

Abdelaziz Meziane Belfkih, « La charte nationale d’éducation-formation »Revue internationale d’éducation de Sèvres, 27 | 2000, 77-87.

Référence électronique

Abdelaziz Meziane Belfkih, « La charte nationale d’éducation-formation »Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 27 | 2000, mis en ligne le 01 octobre 2003, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ries/2383 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ries.2383

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Auteur

Abdelaziz Meziane Belfkih

Conseiller du roi, Président de la Commission Education-Formation (COSEF)

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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