Syndrome des faux souvenirs induits : procès en appel de Benoit Yang Ting

Les 2 et 3 octobre, la Cour d’appel de Paris s’est penchée sur un phénomène  méconnu, les faux souvenirs induits. Sophie Poirot et Bernard Touchebeuf ont plongé dans l’horreur de sessions intensives consistant à revivre des souffrances supposées du passé pour guérir celles du présent. Les deux victimes auront respectivement donné 238 000€ et 750 000€ à Benoit Yang Ting, « humanothérapeute », condamné, en première instance, à un an de prison avec sursis pour abus de faiblesse.


Les deux plaignants accusent Benoît Yang Ting de les avoir manipulés pendant des années en leur instillant de faux souvenirs traumatisants. Les méthodes du thérapeute ont plongé ses « proies » dans une forme d’« esclavage », les obligeant à passer de longues heures intégralement nus sur un divan.
Pour Sophie Poirot, le « traitement » a duré douze ans. Elle était privée de sommeil, de nourriture et enfermée dans un isolement total. Tout lui était facturé : le droit d’interrompre la séance pour se rendre aux toilettes, les fautes d’orthographes dans les comptes rendus de séances quotidiens et même les relations sexuelles que lui imposait Benoît Yang Ting et qu’il justifiait comme « un passage obligé vers la guérison ». Au fil des séances, il réussit à la convaincre qu’elle a été victime d’abus sexuels commis par son père lorsqu’elle était enfant.

Bernard Touchebeuf finit aussi par « retrouver » dans sa mémoire des scènes de violences parentales. Le thérapeute parvient même à lui faire « revivre » un évènement qu’il aurait vécu in utero : sa mère aurait tenté de se faire avorter à l’aide d’une aiguille à tricoter. Il est resté 22 ans sous l’emprise de Benoit Yang Ting, pensant trouver auprès de lui une solution pour sauver son couple.

 
Les faux souvenirs induits sont apparus à la fin des années 1970 aux États-Unis où les « recovered memory therapy » (TMR, thérapies de la mémoire retrouvée) étaient très à la mode. La méthode déviante consiste à induire de faux souvenirs. Elle est dénoncée dans de nombreux cas 20 ans plus tard et donne lieu à de nombreux procès. Selon The False Memory Syndrome Fondation, plus de 700 cas ont été révélés dans les années 1990. Aux Etats-Unis, grâce à une forte médiatisation des affaires et aux travaux des scientifiques sur la manipulation de la mémoire, le phénomène est retombé dans les années 2000.
En France, l’AFSI (Association Alerte Faux souvenirs induits) compte de nombreuses victimes de ces « thérapies déviantes », dont certaines ont porté plainte. Sa présidente, Claude Delpech, espère que « ce procès historique fasse jurisprudence », qu’il permette d’étoffer l’arsenal juridique contre cette pratique dénoncée depuis plus de dix ans par la Miviludes et qu’il enraye le développement de ces « thérapies de la mémoire retrouvée ».

L’accusation a demandé un an de prison avec sursis. La cour a mis son arrêt en délibéré au 13 février 2015.

(Source : Le Monde et AFP, 04.10.2014)